Les revues de sciences humaines et sociales survivront-elles aux mesures préconisées par la Commission européenne en matière d’Open Access ?
Le 11 février, les représentants de plus de 120 revues diffusées sur le portail Cairn.info et d’une cinquantaine de maisons d’édition ou structures éditoriales toutes spécialisées en sciences humaines et sociales se sont réunis à la Maison de la Chimie de Paris.
L’objectif de cette assemblée était d’analyser la portée d’une recommandation prise par la Commission européenne le 17 juillet dernier, concernant l’Open Access. Dans ce texte, la Commission s’assigne pour objectif la diffusion en libre accès des « publications issues de la recherche financée sur fonds publics » dans les différents pays de l’Union. A titre transitoire, elle admet que le libre accès aux publications soit soumis à un embargo avant diffusion gratuite de 12 mois maximum. Elle incite les Etats-membres à prendre les mesures nécessaires en ce sens.
Dans le domaine des sciences humaines et sociales, les mesures préconisées par la Commission européenne aboutiront à terme à la disparition de la plupart des revues de langue française, voire à la disparition des maisons d’édition ou structures éditoriales qui les portent : tel est le constat posé par la grande majorité des intervenants à la journée organisée par Cairn.info. L’instauration d’un régime obligeant les enseignants et les chercheurs à diffuser gratuitement leurs travaux en libre accès conduirait inévitablement à priver les acteurs ayant en charge les revues de sciences humaines et sociales, des ressources apportées aujourd’hui par les abonnements des bibliothèques et les achats des particuliers. Des ressources pourtant indispensables pour couvrir les frais nécessaires à une édition de qualité.
L’embargo proposé par la Commission – 12 mois après l’édition sur support « papier » ou électronique – se révèle de l’avis général tout à fait insuffisant pour assurer le maintien des revues académiques concernées. Au-delà, tous les autres domaines de l’édition du savoir en sciences humaines et sociales, notamment les revues de débat ou d’opinion, pourraient, eux aussi, être menacés dans la mesure où leurs auteurs sont très souvent rémunérés sur fonds publics. Chacun s’est accordé pour constater qu’un tel scénario ne pourrait que contribuer à une dégradation de la qualité du travail scientifique et à un appauvrissement du débat intellectuel dans le domaine des sciences humaines.
Intervenant sur ces questions, Michel MARIAN, du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, a confirmé que ces préoccupations étaient au centre de la réflexion de Mme Geneviève FIORASO. Il a précisé que le Ministère ne se sentait nullement tenu, dans le domaine des sciences humaines et sociales, par la durée d’embargo préconisée par la Commission européenne. Il a annoncé la volonté de la Ministre de faire réaliser une étude d’impact sur les conséquences possibles d’une diffusion en libre accès des publications de sciences humaines et sociales. Une concertation avec tous les acteurs intéressés sera très prochainement mise en place sur ces questions ; ces mesures seront prises dans un cadre interministériel.
Les participants à cette journée ont exprimé leur volonté de continuer à suivre avec attention ce dossier ; les responsables de revues présents vont, par ailleurs, soumettre à leurs comités de rédaction respectifs une motion précisant leur position. Le contenu et la liste des premiers signataires seront rendus publics très prochainement.